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    ENTREVOIR /

     

    Les deux dimensions, les encres et les teintes estampées

    sur papier, tout nous porte à croire qu’il s’agit ici de gravure

    mâtinée de photographie. Dès lors, comme cela se fait le

    plus souvent, on pourrait regarder ces oeuvres de Patrick

    Van Ghendt en jaugeant le savoir-faire dont elles procèdent,

    en essayant de deviner ce qu’elles représentent, voire pour

    les plus experts d’entre nous, en tentant de mettre à jour

    les influences artistiques de leur auteur.

    Leur facture, la façon de les présenter, mais aussi le

    contexte de la galerie, tout en fait nous incite à décrypter

    ces images, à en soupeser le sens ou les intentions, bref  

    les lire alors qu’il serait plus judicieux de simplement les voir.

    Voir comme on le fait plus facilement avec les autres sens,

    en baissant la garde de l’intellect et en se laissant gagner

    par des sensations. Voir comme on le fait en fermant les

    yeux car c’est à cette condition que l’on reconnaît – chacun

    a pu en faire l’expérience – non pas une quelconque réalité,

    mais plutôt le souvenir enfoui, si intime et si précieux, d’une

    impression fugace que celle-ci nous a un jour laissée.

    Entrevoir en quelque sorte et pour cela, au préalable

    expérimenter.

    Expérimenter les espaces ouverts par l’artiste, dans

    cette troisième dimension indissociable de sa pratique

    d’architecte. Y cheminer du regard, se faufiler dans les

    dédales pour y retrouver des fragments de vie flottant

    en deçà de la conscience. Mais aussi, filer droit dans la

    profondeur sans se soucier des cloisonnements successifs,

    la mémoire aux aguets, prête à débusquer ces impressions

    pures, non perverties par le langage, gravées profondément

    en nous par la lumière du temps où l’on ne pouvait rien

    nommer, du temps où l’on pouvait seulement ressentir.

    Expérimenter ces images en se passant des mots et de leur

    poids de conventions. Expérimenter comme des enfants

    qui plissent leurs paupières face au soleil pour le seul

    plaisir des formes et, in fine, débouler dans une quatrième

    dimension insoupçonnée.

     

    Jean-Marc Bodson